l'Égouttoir # 4 : Appel à contributions
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Bande dessinée potentielle
(Bande dessinée sous contraintes)

Le projet

Notre association s'appelant l'Égouttoir, il aurait été bête d'arrêter de publie le fanzine du même nom. Cependant, nous ne voulions plus poursuivre dans la direction prise par les trois premiers numéros.
Ainsi, pour le premier numéro de la seconde formule, nous avons pris la décision de réunir des planches autour d'un thème apte à éveiller l'intérêt : la bande dessinée sous contraintes. Sans prétention à révolutionner le genre, ni à faire de l'ombre à l'OuBaPo, ce projet se veut le témoin de l'intérêt que peut susciter chez nombre d'auteurs contemporains cette manière d'approcher leur art.
Après quelques brèves considérations théoriques sur la bande dessinée potentielle, et la résolution de quelques questions qu'elle pose, on trouvera les planches, présentées par contraintes. Celles-ci seront surtout des contraintes pré-existantes, mais nous essaierons d'en présenter de moins célèbres que l'itération iconique ou la plurilecturabilité trop simple.

Les planches

Comme notre but est de rassembler des auteurs autour de la bande dessinée sous contraintes, pour participer à ce projet, il suffit d'envoyer vos créations. Le but premier est de s'amuser : la bande dessinée sous contraintes produit parfois des chefs d'œuvres, mais le plus souvent son intérêt réside dans le procédé et son utilisation. Bien sûr, seules les planches présentant un certain intérêt seront acceptées, ainsi, il faudra éviter d'exploiter toujours les mêmes procédés, même si l'originalité n'est pas toujours facile à trouver...
Les planches doivent être prévues pour un format A4, dans une résolution correcte, tout en sachant qu'elles sont destinées à être photocopiées (photocopieuse laser).

LA DATE LIMITE D'ENVOI EST FIXEE AU 30 JUILLET

Historique succinct [1]

Si de nombreux auteurs avaient joué avec les cadres de leur medium, de tout temps (de Mc Cay à F'Murrr) et sur tous les continents, la première occurence d'un souhait de création d'un ouvroir potentiel appliqué à la bande dessinée n'est trouvable qu'en 1990 dans les Cahiers de la Bande Dessinée. Cependant, ce n'était qu'un vœu formel, et il fallut attendre encore deux années pour que des auteurs issus de l'Association, derrière Menu et Trondheim qui venaient de publier Moins d'un quart de seconde pour vivre, décident la création d'un Ouvroir de bande dessinée potentielle, dont les premiers travaux furent publiés en 1996 dans l'OuPus 1. Depuis, trois autres OuPus ont été publiés, présentant de nouvelles contraintes et les travaux issus de diverses performances publiques.
Les travaux de l'OuBaPo ont inspiré de très nombreux auteurs, et dans la profusion de projets exposés ces derniers temps grâce à (à cause de ?) Internet, on a la preuve manifeste de cette inspiration, l'avantage de la potentialité étant qu'elle permet, tout en affrontant la contrainte (et si tout se passe bien, en ayant la satisfaction de la vaincre), de proposer au lecteur une performance intéressante, même si dans l'absolu sa valeur n'est pas toujours indisuctable.

Quelques contraintes [2]

L'OuPus 1 classe les contraintes en deux grandes catégories : contraintes génératrices (création d'une ou plusieurs bande(s) dessinée(s) ex nihilo à partir d'une série de contraintes) et contraintes transformatrices (création d'une ou plusieurs bande(s) dessinée(s) à partir de modifications apportées à des cases déjà existantes).

Contraintes génératrices

a) Restriction iconique
Interdiction, pour le dessinateur, de représenter un élément donné, qui pourtant paraît nécessaire à la bande dessinée donnée (ex : un western sans chevaux ni armes à feu).

b) La restriction plastique
Limitation volontaire des signes ou des formes utilisables (ex : n'utiliser que des carrés et des ronds). Variantes : restriction chromatique.

c) La restriction énonciative (ou restriction scénique)
Utilisation de solutions exclusives en ce qui concerne la cadrage ou l'angle de vue.

d) L'itération iconique
Bâtir une séquence plus ou moins longue autour d'une seule image, ou en n'utilisant qu'un petit nombre d'images récurrentes. Procédé très connu depuis Le Dormeur de Lewis Trondheim, que nous avons utilisé dans Le Directeur.

d bis) L'itération iconique partielle
Itération d'un élément seulement des cases.

e) La pluri-lecturabilité
L'auteur offre à une seule case, une seule séquence, une seule bande, plusieurs lectures. Elle offre deux applications célèbres :
1° Une dérivation du strip acrostiche qui consiste à proposer, à partir de quatre strips horizontaux sis l'un sous l'autre, quatre autres strips verticaux.
2° Le palindrome, bande dessinée qui, en sa deuxième moitié répète exactement les mêmes vignettes que dans la première.

f) La réversibilité (ou Upside-Down)
Chaque planche est anacyclique, mais cette propriété ne se révèle qu'au prix d'une manipulation effectuée par le lecteur.

g) Le recouvrement
Terme vague servant à désigner tout bande dessinée qui fait appel à une manipulation du lecteur pour offrir une nouvelle lecture. Deux grands types de manipulations à distinguer :
1° La superposition (la superposition d'un « rhodoïd » fait apparaître une nouvelle lecture).
2° Le pliage (une planche pliée fait apparaître une nouvelle lecture, cf. Pervenche et Victor, d'Etienne Lécroart).

h) La consécution aléatoire
Bande dessinée dont les cases peuvent être lues dans n'importe quel ordre. Ex : Coquetèle (L'Association)

i) La distribution réglée
Un ou plusieurs ingrédients de la planche est réparti selon une formule a priori, qu'elle soit alphabétique, mathématique, etc. Ex : choisir le nombre de cases par page selon π, le nombre de bulles selon le nombre d'or, etc.

j) L'ordonnancement géométrique
Sorte de distribution réglée concernant la mise en page.

Les contraintes transformatrices

a) La substitution
Elle peut être verbale (les textes d'origine sont remplacés par un autre), iconique (conserver les textes, changer les dessins) ou complète (en « double aveugle », les deux premières substitutions sont réalisées par deux auteurs différents, puis les éléments substititués sont mis en commun)

b) La méthode « S+7 »
Remplacer les éléments dessinés que l'on peut nommer par un substantif par le dessin du septième substantif qui le suit dans le dictionnaire.

c) L'expansion
Il s'agit d'allonger une bande dessinée existante en la dotant de vignettes supplémentaires.

d) La réduction
A l'inverse, il s'agit de diminuer le nombre de vignettes d'une bande dessinée, cela dans différents buts : résumer l'album, souligner l'un de ses aspects.

e) Le recadrage
L'expansion ou la réduction s'applique ici au cadre de l'image, lequel délimite son champ, soit en ouvrant sur son hors-champ, soit en amputant un partie de la case.

f) La réinterprétation graphique
Renouvellement du contenu de l'image par rapport à un texte donné bien connu, selon divers critères. La substitution iconique est est une sous-catégorie. Ex : l'échange de dessinateurs.

g) L'hybridation
Toute forme de croisement ou de synthèse entre deux bandes dessinées préexistantes. On retrouve souvent la subsititution. Ex : mêler textes et dessins de deux bandes dessinées, etc.

 

[1] On se rapportera à l'excellente présentation de Menu « Ouvre-Boîte-Po », dans l'OuPus 1, ici très succintement résumée.
[2] D'après l'Oupus 1, principalement l'article « premier bouquet de contraintes » de Thierry Groensteen dont sont tirées les définitions, et le site contraintes.net. Les définitions sont la propriété de l'OuBaPo.